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Forum francophone de l'association Bureau Aegis, dédié au jeu de figurines Infinity. Site de ressources : http://www.bureau-aegis.org/

(récit) Paradise [avec la participation de Kawal]

Démarré par gus, 08 Juin 2012 à 09:49:03

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gus

20 Novembre 2013 à 15:34:40 #20 Dernière édition: 27 Novembre 2013 à 15:22:31 par gus
Nation nomade
Vaisseau mère TUNGUSKA
Quai D-156
Emplacement 18


La plupart des citoyens de la sphère s'accessoirisait de choses plus inutiles les unes que les autres. Le gadget à la mode était « l'aide à la vie » : une lentille déposée sur la rétine qui vous indiquait la météo, l'heure, l'identification faciale des personnes dans votre champ de vision, les informations en temps réel et  –ce de façon récurrente- la publicité d'un produit en visuel. Kira ne pouvait s'offrir le luxe d'être géo-localisée ou d'avoir la vue brouillée des méfaits d'un hacker. Elle ne possédait qu'une montre automatique, solide et étanche, tout ce qu'il y avait de plus banal deux siècles auparavant. Le problème, commun à une montre au poignet et à une horloge collée à la pupille, était le sentiment inéluctable que le temps s'écoulait très lentement lorsque vous attendiez, a fortiori après dépassement de l'horaire convenu.

Elle leur avait donné une demi-heure, aurait-elle dû préciser que l'heure commune se composait de soixante minutes, les minutes de soixante secondes ? Les secondes étant interprétées comme la durée définie lors de la 67ème conférence générale des poids et mesures. Fernando, toujours à ses basques, ne pipait mot. Il se contentait de rêvasser en silence, le regard vide et les mains dans les poches.


-Sergent Damas, c'est un plaisir de vous rencontrer. »
Elle releva les yeux de sa montre pour découvrir un homme de petite taille se tenir devant elle. Il portait un sherwani bleu et blanc impeccable décoré de ses gallons d'officier de la marine marchande. Le turban blanc nacre qui le coiffait se mariait harmonieusement à son teint mat. La barbiche et les fines moustaches qu'il arborait lui donnaient un air rusé et son sourire accentuait sa malignité apparente.

- Je suis l'officier supérieur Némo Moush du « Daily Dheli », le petit transporteur de fret classe C fabrication nomade sur lequel vous embarquerez. Nous naviguerons sous pavillon panocéanien. Que l'on se comprenne bien, le capitaine est le seul maître à bord. Le pied posé sur le vaisseau, vous vous plierez à son commandement et aux règles de discipline pour l'équipage. Notre mission est de vous transporter au lieu d'exécution de la vôtre puis de vous ramener. Le capitaine ne se mêlera pas de vos affaires une fois sur le plancher des vaches, alors ne vous mêlez pas des siennes les patins d'atterrissages relevés. »

Il l'avait reconnu, il connaissait son visage. Mwinda avait dû leur transmettre cette information alors qu'elle n'avait rien reçu d'autre de sa part que le lieu de rendez vous. Fernando donnait l'impression de s'ennuyer ferme et l'officier ne l'avait pas salué, se connaissaient-ils ? Kira serra la main tendue de l'officier avant de lui renvoyer : « J'ai donné rendez-vous à l'équipe à l'emplacement dix-huit, lieu convenu par notre employeur commun. Nous attendrons donc les autres avant d'embarquer ».

- Ah ! » Le regard de l'officier pétillait de malice. «Pour des raisons de sécurité nous avons dû changer d'emplacement. Je me suis permis d'attraper au passage les autres membres de l'équipe et de les inviter à rejoindre le vaisseau. Vous êtes la dernière sur laquelle j'ai pu mettre la main, suivez-moi, nous n'attendions plus que vous pour partir. » Sur ces mots, il tourna les talons. Fernando lui emboîta le pas et le sergent suivit.

Ils déambulèrent à travers les quais, évitant les marchandises posées en vrac en attente de chargement. Des vaisseaux étaient alignés à perte de vue, tous de petit tonnage aux pavillons représentant l'ensemble des nations. Les équipes techniques de Tunguska s'agitaient en tous sens, frénétiquement, comme à chaque heure précédent les sorties de trous de ver. Les vaisseaux en stationnement paraissaient être les seuls choses ordonnées sur l'aire alors que passagers et équipages foulaient les plaques de gravité artificielle au sol. Par ci, un essai moteur faisait rugir les propulseurs et vibrer la carlingue, par là un fer à souder illuminait le recoin d'un vaisseau pour les derniers rafistolages et de tous les côtés des officiers aboyaient des ordres aux équipages ou injuriaient les équipes de maintenances en retard sur les réparations.

Ils arrivèrent à l'emplacement 51.  C'était un vaisseau constitué d'un unique pont surmontant des cales destinée aux marchandises. Il devait faire dans les deux cents pieds de long. Trois propulseurs principaux placés en triangle se tenaient à sa poupe pour la navigation, au lieu des deux conventionnels des vaisseaux de ce type. Deux propulseurs auxiliaires plus petits, en bout de bras articulés,  flanquaient chaque bord du vaisseau au niveau de son centre de gravité afin d'exécuter les manœuvres. Les sorties des réacteurs étaient carbonisées. L'étalement des brûlures sur la partie extérieure des « bouches » était souvent l'objet de compétitions entre têtes brûlées : plus grande était la zone noircie, plus importants étaient les efforts demandés au moteur. Le capitaine de ce vaisseau ne semblait apparemment pas ménager sa machine.

La coque, initialement de peinture blanche, était ternie par la poussière terrestre et stellaire, l'usure, et les milliers d'impacts qu'elle avait subis depuis sa mise en service. On devinait à peine les lettres « Daily Dheli » peintes en bleu. Aucune arme n'était visible depuis l'extérieur et les seules vitres étaient celles du cockpit en proue de vaisseau, cockpit surmonté d'un épais bouclier pour parer aux zones à risques, aux agressions ou aux entrées difficiles en atmosphère. Aucun hublot ne venait fragiliser la structure mais la coque n'était pas assez épaisse pour tenir face à un tir de défense anti-aérienne ou au premier pirate venu équipé du minimum standard. La seule utilité du blindage était de pouvoir résister, même à grande vitesse, aux inévitables impacts des objets errants dans l'espace. C'est ce qui expliquait la solidité apparente de l'armature destinée à minimiser les effets dévastateurs de l'inertie sur un bâtiment les moteurs dans le rouge.

- Bienvenue à bord Sergent Damas. Je vois que vous avez fait la connaissance de monsieur Moush, mon second. » Kira ne  pouvait s'empêcher d'associer au mot capitaine l'image d'un homme quinquagénaire, grand, au port altier, aussi éloquent que charismatique. On attendait d'un capitaine qu'il soit un meneur d'homme, un chef d'entreprise, un négociant affuté et un marin expérimenté. En lieu et place de cette image se trouvait en face, debout sur la passerelle du vaisseau, une jeune femme menue à peine plus grande que son officier, les cheveux courts. Débardeur et combinaison à salopette, elle dépareillait de son second en uniforme propre sur lui. Il ne lui manquait plus qu'une clef à molette et un peu de crasse sur ses mains et son visage pour en faire une mécanicienne.

- Je me présente, capitaine Nicky Reaver ! L'équipage fera en sorte que ce rafiot vous mène à destination et vous en sorte indemne, par équipage comprenez mon second et moi-même. Vos places retours sont déjà payées et non-remboursables. Claquez là-bas si ça vous chante, moi je garde mes sous ! C'est la seule chose, avec un peu d'huile de coude, qui puisse encore faire voler le « Dydi ». Bon, vos amis vous attendent au mess. Ah ! Une dernière chose, vous vous portez garant du comportement des passagers : mieux vaut pour vous que vous teniez votre fauve en laisse si vous ne voulez pas que je vous expulse par le sas. Deal ?»

- Un peu tard pour reculer, Deal."

Deux membres d'équipage seulement, un indien presque nain et une maigrichonne tout juste sevrée. Quelle blague ! Ils devaient assurer par eux même la maintenance, les communications, la navigation, les manœuvres délicates, le pilotage, le ravitaillement et les innombrables autres tâches à bord et à quai. Quoiqu'il en soit, elle connaissait son employeur de réputation et elle pouvait lui faire confiance sur un élément aussi crucial que l'équipage et le vaisseau. Mwinda n'aurait pas investi autant de temps et d'argents pour que la mission échoue avant même qu'elle ne commence, ils atterriraient tous en temps et au lieu convenu. Quant-à savoir s'ils repartiraient tous, elle n'en avait aucune certitude. Le prix compensant le risque dans ce métier, elle doutait même que ce soit possible.

gus

21 Novembre 2013 à 07:10:43 #21 Dernière édition: 22 Novembre 2013 à 04:24:08 par Kawal
L'intérieur du vaisseau était exigu. Les navires marchands étaient conçus à l'image de leurs homologues militaires : ils étaient fait pour être pragmatiques, au confort spartiate, il ne s'agissait pas de bâtiments de plaisance et c'était un luxe de constater que le Daily Dheli était équipé de lampes pour éclairer chacune de ses coursives. En guise de mess, une pièce à peine plus grande qu'un couloir avec une table en son centre, des strapontins de part et d'autre de ses bords fixés aux cloisons.

L'équipe était au complet. Les soldats de fortune de la NFSC et les contractors indépendants ne s'étaient pas mélangés, assis les uns en face des autres. Cortes ouvrait encore sa grande g.ueule et Ramirez s'entêtait à lui demander de la fermer tandis que Lyne et Georg prenaient un malin plaisir à le titiller. Léo tentait maladroitement de draguer une Sweety pouffant à chacune de ses phrases mais Oko et Mokobe restaient muets, chacun dans leur coin. La voleuse de renom avait donc accepté l'invitation mais son visage masqué de tatouages, plus noirs encore que sa peau, laissait à peine entrevoir son regard sombre derrière ses tresses. Tous, sauf Cortes, s'interrompirent quand Damas entra.


- Vous êtes tous là, tant mieux. Bon, vous connaissez la mission et c'est de professionnels dont j'ai besoin, pas d'amateurs. Sur ce vaisseau, vous respecterez mes ordres et ceux du capitaine. Pas de grabuge, prenez des médicaments si vous ne supportez pas le trajet mais je veux des esprits parfaitement éveillés une fois au sol. Dans le cas contraire, j'astreindrai les camés à rester dans le vaisseau et le reste se partagera leur part. Dès que nous aurons débarqué vous suivrez mes instructions à la lettre, nous progresserons ensemble par couple et chacun veillera sur son partenaire." – "J'veux être au cul de Ramirez !" – "Cortes fermez-la, vous serez avec Fernando. Compris ? Souhaitez-nous bonne chance."

C'est le moment que choisit Némo pour apparaître, une caisse à la main. Il s'était défait de son uniforme pour enfiler une combinaison semblable à celle du capitaine Reaver, infiniment plus pratique en l'absence de gravité. « Voici des ceintures à sangle, enfilez-les pour le trajet. Bon, le protocole veut que je vous informe des conditions de vie à bord et le capitaine est intransigeant en matière de protocole. Une fois en apesanteur, vous trouverez des barres un peu partout pour vous hisser ou vous accrocher ainsi que des boucles pour attacher vos sangles afin de vous maintenir à un endroit sans avoir à mobiliser bras ou jambes. Chaque paroi est conçue pour supporter votre poids lors d'impulsions. Ne soyez pas deux dans le même couloir à vous impulser en même temps, pour éviter un accident ; vous ne pourrez éviter la collision."

L'indien marqua une pause et lança un regard noir à Cortes en attendant qu'il se taise avant de reprendre : "J'ai déjà vu un type casqué rencontrer le crâne d'un type non casqué pendant un exercice de manœuvre militaire, l'un a eu mal au front et l'autre un sévère traumatisme crânien doublé d'une nuque brisée. Vous trouverez des communicateurs à chaque angle de chaque couloir et dans chaque pièce, appuyez sur le bouton pour parler, relâchez pour écouter. A côté de chaque communicateur vous aurez une manette à actionner pour condamner une zone en cas d'incendie ou d'avarie. Vous trouverez également quelques extincteurs, suivez les flèches pour les trouver. Pour les toilettes et la salle d'eau, lisez les instructions sur la note prévue à cet effet. Sergent, le capitaine vous attend en timonerie. Bon voyage à tous. » Il distribua l'équipement avant de repartir, accompagné de Kira.

La timonerie se confondait au cockpit. Nicky s'afférait dans tous les sens et, tel un pianiste virtuose, effleurait des doigts les innombrables boutons de sa console qui clamait d'une symphonie mélodieuse son acquiescement informatique. L'IA limitée d'assistance et le capitaine se livraient à un étrange dialogue pour le « check up » des systèmes puis, l'inspection terminée, son siège pivota en direction de Damas.

- Bon ! Le clou du spectacle ! Paré pour l'essai moteur Monsieur Moush ? »

- Paré cap'taine. »

Les lumières du cockpit faiblirent et, d'un puissant vrombissement rauque allant crescendo le moteur se mit en route. Des propulseurs légèrement encrassés crachotèrent mais le test était apparemment concluant. Un échange avec l'opérateur de la tour de contrôle et des alarmes retentirent tandis que des gyrophares s'activaient pour enjoindre à évacuer la zone. Une minute s'écoula et, une cinquantaine de pieds en contrebas, la plateforme qui supportait le vaisseau s'éleva vers le plafond. La plateforme termina son ascension dans un vacarme assourdissant et les joints de confinement s'armèrent pour cloisonner le vaisseau dans un long couloir donnant sur une épaisse porte. La porte s'ouvrit lentement, ses lourdes chaînes la tractant à travers des rails. Le moteur du Daily Dheli se mit à rugir plusieurs secondes et l'opérateur autorisa la sortie, descellant les chevrons d'amarrage. Le vaisseau, libéré de ses entraves, progressa le long du couloir pour rejoindre l'abîme spatial.

L'espace d'une seconde et Kira se sentie plus légère, comme flottante, alors que doucement ses pieds quittaient les grilles au sol. Quelques objets se mirent à léviter et ses plaques militaires d'identification à bout de chaîne vinrent caresser son visage. Le Dydi progressait dans cet amas de centaines de vaisseaux de toutes formes en direction de l'immense astre blanc lumineux, serti de milliers de lacs gelés et de vastes mers glacées.

Ghost

gus

22 Janvier 2014 à 10:09:04 #23 Dernière édition: 09 Février 2014 à 10:04:12 par gus
Le propre de l'homme est le sens de la mesure. Il est dans sa nature de créer des catégories, des choses pour les comparer, les mesurer, les encadrer. L'homme est intrinsèquement ordonnateur. Si l'espace autour d'un astre est considérablement plus vaste que sa surface, l'homme n'a pu s'empêcher de délimiter des frontières à ses voies d'accès. Préférant encombrer une trajectoire définie, contrôlable, plutôt que de laisser aux lois de l'anarchie l'ouverture du monde civilisé au reste de l'univers. C'est pour cette raison, et d'autres encore, que le Daily Dheli se trouvait au beau milieu d'une horde de fuselages étincelants colorée d'un formidable panaché de combustions motrices. Un chaos ordonné, intervalle inévitable entre deux nations. Une régulation imposée au nom du pragmatisme et de la fluidité, les transporteurs de passagers non prioritaires se trouvant bien loin de la tête de cette interminable file de carlingues.

Le capitaine Reaver bouillait, tentant malaisément de se contenir en son for intérieur et lâchant de temps à autre quelques flots d'injures à l'égard des fonctionnaires des Nations-Unies et, parfois même, de leurs familles. Monsieur Moush, d'un calme exemplaire et semble-t-il imperturbable, s'assurait de la bonne exécution des corrections de trajectoire pour que le vaisseau ne franchisse pas la barrière du couloir tout en évitant les nombreux appareils voisins. Équipage et passagers se trouvaient sous la verrière du cockpit, voguant au gré de leur mouvement en l'absence de gravité. Georg semblait assommé, lui qui ne supportait pas les voyages s'était empressé de s'abrutir par tranquillisants dès la première poussée du vaisseau. Une bouteille à moitié vide d'un mauvais rhum passait de passager en passager, flottant dans les airs, tandis que Cortez s'amusait à absorber une à une les gouttes d'alcool lévitant devant lui. Face à eux, Svalarheima grossissait peu à peu, laissant découvrir tantôt un point qui s'avérait être un lac gelé, tantôt une ligne qui se révélait être le relief d'une chaîne de montagnes. Quelques vaisseaux équipés de puissants avertisseurs lumineux remontaient à contre courant le couloir d'accès et l'un d'eux s'approcha du Daily Dheli. La  navette douanière disposait de propulseurs placés à la proue et à la poupe, lui permettant de circuler dans les deux sens sans avoir à manœuvrer. Elle se stabilisa au niveau de l'avant du transporteur et plusieurs projecteurs s'allumèrent pour parcourir la coque du Dydi. Les lumières aveuglèrent quelques instants les passagers puis s'éteignirent brusquement avant que les douaniers, tous gyrophares dehors, se précipitèrent à la rencontre de quelques urgences bien plus stimulantes que les contrôles de routine.

La navette de sécurité partie, tous les vaisseaux alentours s'activèrent et sortirent de leur léthargie. L'ordre fit place à la loi du plus rapide et du plus audacieux, les réacteurs triplèrent d'intensité et une véritable course en direction de l'ascenseur orbital se livra entre chaque vaisseau. Les plus petits à l'aide d'improbables manœuvres se frayaient des chemins en passant par dessus dessous les plus gros qui, eux, se livraient une véritable compétition à qui décrochera le dernier de la trajectoire de l'autre pour éviter l'avarie. Reaver, clope au bec, pianotait frénétiquement sur le tableau de contrôle, basculant la barre d'un bord à l'autre, évitant les collisions à grandes embardées. Des loupiotes clignotaient un peu partout de concert avec les complaintes monotones de plusieurs alarmes. Le Dydi s'approcha dangereusement de la poupe d'un énorme navire pour ne l'éviter qu'au dernier moment, un appareil monoplace frôla la verrière de la passerelle pour slalomer plus loin entre deux autres vaisseaux, une navette marchande les dépassa de justesse sous la quille puis, enfin, l'immense station orbitale fit son apparition. La flotte ralentie, les embouteillages commencèrent et seuls les derniers casse-cous tentaient encore de grappiller quelques places, accompagnés des malédictions que proférait Reaver à leur égard en s'époumonant inutilement. Les passagers, eux, subissaient. Les moniteurs étaient incompréhensibles et des flots de signaux étranges apparaissaient et disparaissaient sur les écrans alors que les hublots ne laissaient entrevoir que sur la cargaison d'un porte-conteneurs. Moush s'affairait à transmettre à la station leurs identifications et s'acquittait du péage.

Le grésillement distinctif de la mise en route du communicateur se fit entendre et une voie douce et féminine en jaillit :
« Poste de contrôle de la station orbitale Svalarheima Pano-elevator One au vaisseau transporteur de classe XC-84 Daily Dhely : Bienvenue sur Svalarheima. La planète est au niveau d'alerte 3. Pour votre sécurité, aucun vaisseau ne peut entrer ou quitter le territoire pour une durée indéterminée. Autorisation d'amarrage à la station accordée, veuillez désactivez vos éventuels systèmes d'armements. Les autorités s'excusent du désagrément, veuillez transmettre vos éventuelles requêtes au bureau de sécurité planétaire. »

-Et ***CENSURE*** ! » lâcha Reaver. Elle se tourna vers les passagers, visiblement inquiète, alors que Nemo pianotait encore sur sa console. « On a un problème, on ne peut pas atterrir, la flicaille est sur les dents. Alerte de niveau 3, c'est du sérieux, et pas la peine d'espérer attendre quelques heures que ça se tasse. »

Damas s'assombrit. On ne déployait pas un tel armement simplement pour récupérer de la paperasse administrative. Quelque chose de si important pour engager de telles sommes devait certainement trouver grâce auprès d'autres gros portefeuilles si ce n'est des gouvernements, elle espérait une seule chose : que cette alerte ne les concernait pas.

Le communicateur se remis en route.
« Officier Derkill du BSP Svalarheima à votre écoute ». Moush pris la parole : « Max, c'est Nemo, je viens aux nouvelles, c'est quoi ce bordel ? »

gus

26 Janvier 2014 à 14:03:02 #24 Dernière édition: 24 Juillet 2014 à 07:29:58 par gus
Rendez-vous en terrain connu. (1/3)

Savez vous ce qu'est un Krug ? Un Krug est une célébration périodique de la nation nomade qui réunie ses trois vaisseaux mères en un seul et même lieu. C'est le rendez-vous à ne pas manquer, l'événement qui rassemble le plus de personnes dans toute la sphère. Les trois immenses cités mobiles se placent dans l'orbite d'un astre habitable et leurs résidents rejoignent le plancher des vaches le temps des festivités. Le problème des astres habitables, c'est qu'ils sont tous habités, et si ces réunions font le bonheur des marchands elles sont aussi le cauchemar des autorités. Des centaines de milliers de personnes s'attroupent, forniquent, se chamaillent, festoient, commercent pour laisser place, à la fin des festivités, à des unions, des pactes commerciaux mais aussi à quelques infortunés cadavres.

Oko déambulait entre les caravanes de cet immense souk rassemblant les marchands de tout Bourak pour accueillir ses visiteurs stellaires. Des négociants de toutes origines le hélait pour « découvrir les plus beaux trésors orientaux ». Un babouin détalant à toute vitesse lui coupa la route en hurlant, une orange à la main. Un reptile qui se dressait au rythme de la mélodie du pungi siffla à son passage alors que le charmeur scruta le grand noir avec curiosité. Malgré la cohue et la foule qui s'agitait en tout sens, le bazar entier semblait vous épier personnellement, vous envahissant par l'étrange sentiment qu'ici vous seriez roi et, qu'en bon souverain, vous saurez vous montrer très généreux envers vos sujets. Oko n'était pas dupe. C'était un Massaï et pas n'importe lequel, un Moran Massaï : un guerrier. Il avançait d'une marche rapide, la marée humaine s'écartant de son passage, foulant le sol de ses pieds nus. L'africain dominait le monde alentour, son corps athlétique et élancé tout juste recouvert de la tunique tribale traditionnelle s'abreuvait de la lumière du soleil étincelant de Bourak, chose si rare là-haut dans l'abîme spatiale. Un obstacle vint interrompre son avancée, un étourdie envoûté par les étalages exotiques lui coupa la route. Les deux corps se rencontrèrent, le choc émit un bruit sourd et stoppa net la course des deux protagonistes. Oko lança un regard noir au malotru qui déjà s'excusait avant de détaler promptement, l'air inquiet. Le Massaï fit l'inventaire de ces quelques poches cousues à même son habit avant de poursuivre son chemin.

Ses frères l'attendaient dans le quartier temporaire de logements d'accueil du secteur 7. Un amas de tentes, de containers aménagés, de yourtes et de barnums. Un camp provisoire tout droit sortit des temps anciens à l'intérieur duquel, de ci, de là, se trouvaient des vaisseaux intra-systèmes en tout genre. Certains avaient ouvert les cales et vendaient leurs marchandises à la criée, d'autres avaient recouvert le sas d'entrée de toiles en guise d'antichambre, d'autres encore en profitaient pour assurer la maintenance des pièces extérieures en discutant d'une voie puissante avec leur voisin qui s'attelait à la même activité sur leur appareil.

La tente de style « berbère » dans laquelle il logeait avec ses frères et leurs familles était une toile en laine soutenue par trois mâts en bois tout juste assez haute pour s'y tenir debout au pied de chaque mât. Entourée de coussins confortables, une table basse finement décorée soutenait une théière et des tasses qui laissaient échappées leurs effluves sucrées. L'aîné de la lignée, Abate, était affalé une pipe à la main, soufflant l'épaisse fumée d'une substance reconnaissable à son odeur puissante, l'opium. Son autre frère, Maalik, versait délicatement de la poudre noire dans l'enceinte d'une ogive agrémentée d'éclats de shrapnel. L'allume feu pour chauffer l'opium se trouvait juste à côté du petit laboratoire à poudre noire, posé négligemment à quelques pouces des mortiers et pilons en terre cuite. Oko les dévisagea sévèrement :


-«A vous droguer en préparant la poudre, un jour, mes frères, vous vous y perdrez. » Pas un ne répondit, Maalik était concentré sur l'explosif tandis qu'Abate se contenta de sourire malicieusement. L'aîné se devait d'être le plus sage, en tant que premier ancien de la tribu, mais il supportait mal ce rôle et n'avait pu s'empêcher de refouler cet amour pour le risque qui guidait tout ce qu'il entreprenait. Il posa sa pipe, servit deux tasses de thé vert et se releva pour en tendre une à Oko.

-«Je suis plus vieux que toi Oko, je sais ce que je fais. Les femmes sont parties au marché les paniers chargés de « crazy K ». Avec le plan détaillé des lieux que nous avons dressé ce matin, nous avons repéré les coins stratégiques pour poser les bombes et nos femmes sont assez astucieuses pour les placer sans se faire repérer. Ceci fait, elles rempliront les paniers de victuailles en tout genre pour assurer leur diversion. J'espère que ton contact ne s'est pas trompé sur la localisation du rendez vous. Nous emporterons avec nous le dernier explosif que Maalik fabrique pour couvrir notre retraite. Ton informateur a-t-il donné l'heure du rendez-vous ? »

Maalik s'interrompit, relevant la tête pour écouter Oko. « Bien. Le lieu est confirmé. La rencontre est prévue pour ce soir à 23 heure, heure locale. Buvons et reposons nous, la nuit sera longue mes frères et demain, si tout se passe bien, nous serons riches. »