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Forum francophone de l'association Bureau Aegis, dédié au jeu de figurines Infinity. Site de ressources : http://www.bureau-aegis.org/

Compagnie Mercenaire - CIA

Démarré par Akeron, 27 Mars 2008 à 22:09:17

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Akeron

Bonsoir,

Me lançant dans la réflexion d'un background pour une armée, je souhaite vous faire part d'un très très  petit texte d'introduction et qui sera sans doute suivis d'intermèdes, d'explications, de scènes d'action, d'amour et de machinations diaboliques, millénaires, occultes etc...

Akeron

27 Mars 2008 à 22:09:24 #1 Dernière édition: 20 Avril 2008 à 16:50:48 par Akeron
Préambule


-   Janet ?
-   Oui ?

Elle détourna son visage des cadrans incrustés dans la coque du véhicule. Son regard étoilé vint trouver le mien, soucieux. Elle m'offrit un léger sourire, gracieux mais lourd de tristesse. Elle avait du mal à se remettre de la funeste chute de son compagnon, porté disparu suite à un dérèglement de son équipement.

-   Bonne chance.

Elle hocha la tête, et enfila le casque de son armure type Hellcat. A partir de ce moment, nul besoin de l'appeler Janet. Elle devenait Wasp. La jeune femme comprima un peu plus la mitrailleuse entre son bras et son torse. Elle tendit son autre bras en ma direction, le pouce levé. Je lui répondis par un sourire, et sortit du sas. La lumière à l'intérieur du compartiment vira au rouge et la porte se referma derrière moi. Le sas s'ouvrit, et Wasp sauta dans les airs. J'allumai un cigare en provenance d'Aube, sortit une liasse de paperasse de la poche arrière gauche de mon treillis et la consultai. Des rapports. Encore d'autres. J'arrivai dans la cabine de pilotage et ordonnai :

-   Sortez moi cet hélico de la zone de combats. Et mettez moi en liaison radio avec Syph s'il vous plaît, Paul.

Je n'entendis pas la réponse et n'en attendis pas, à vrai dire. Une cacophonie de bruitages, les pales de l'hélicoptère et les explosions de missiles en bas couvraient toute parole.

Tono

Excellent... et, qui plus est, écrit dans un français impeccable !
Vivement la suite...
Tono / Boll's



Gurhal

on est une bonne dizaine a avoir écrit des histoires... c'est marrant à chaques fois le style était tres différent...
là trés émotif.... çà promet un moment de haute tragédie non? :-[

Akeron

Merci des réponses, ça motive encore plus à écrire la suite.
Voilà le premier intermède (oui déjà  ;D)

Akeron

28 Mars 2008 à 11:50:45 #5 Dernière édition: 04 Avril 2008 à 09:15:47 par Akeron
Dossiers de la CIA
Numéro 535345-566600

Akeron

28 Mars 2008 à 12:33:46 #6 Dernière édition: 04 Avril 2008 à 17:58:04 par Akeron
Panorama général

La CIA.
Compagnie d'Intervention Auxiliaire.
Une troupe mercenaire sans foi ni loi arpentant l'espace en quête d'argent et de gloire. Accusée de nombreuses fois de piraterie, rien n'a cependant encore été prouvé. Jusqu'à présent les accusations se sont perdues dans des procès compliqués. O-12 ne considère pas la bande armée comme une réelle menace et plusieurs des grandes puissances humaines prennent leur mal en patience. L'erreur viendra, et tous seront présents pour asséner un coup de grâce longuement affûté à la CIA.

Cette compagnie est composée d'une force de moins d'un demi millier d'hommes, bien que certains avancent de plus petits nombres. Créée il y a quatre ans, l'origine des fonds reste un mystère pour beaucoup de monde. Ces hommes, quel que soit leur nombre, se répartissent dans trois vaisseaux différents. Un croiseur de guerre modèle Corvus HK80 et deux frégates Yu-Jing modèles Xiang-A et Xia-32. La particularité de ces vaisseaux est leur incroyable vitesse : de nombreuses modifications ont été appliquées aux différents moteurs, ce qui leur permet un champ d'action géographique large.
Commandée par le Commandant Maria Hill, mérovingienne et retirée de la vie militaire Ariadnaise suite à une blessure de guerre, la CIA prospère inexorablement sous l'égide de ses bienheureux et riches bienfaiteurs.

Leurs activités sont diverses et variées : contrebande, participation active au marché noir, mercenariat, chantage, enlèvements, aide armée,  piraterie et une façade plus «  légale ». De nombreux soldats sont ou ont été des artistes, ainsi plusieurs concerts sont organisés chaque année sur différentes planètes. Ils ne sont artistiquement que musiciens : on ne trouve ni peintres, ni sculpteurs, ni écrivains parmi eux ; ou alors ce sont des personnes non révélées au grand public. Leur image auprès des populations se limite à celle de gardes du corps de chanteurs ou d'orchestres. Seules les sources les plus fiables et les plus renseignées savent combien d'exilés, de tueurs, de déserteurs et d'aventuriers composent la Compagnie.

Leurs liens avec les grandes puissances sont parfois tangibles mais rien que leur équipement marque la pluralité des influences convergeant en eux, brouillant les liens les plus visibles. Que penser d'une vidéo représentant des soldats aux techniques Yu-Jing se battant avec des armes Ariadnaises à proximité des meilleurs hackers de la nation Nomade ou des plus brillants scientifiques Panocéaniens ?
Le mystère ne semble pas près de s'éclaircir et ne semble qu'il sera règlé qu'avec la destruction de la CIA.

Akeron

-   Répondez lieutenant.
-   ...
-   Répondez lieutenant.
-   ...
-   Bordel Syph réponds !


-   Saloperie de truc.
Syph arracha le casque micro ceint autour de son crâne et le lança contre le mur lui faisant face. L'objet grésillant tomba, soulevant quelques volutes de poussière et se tut. Adossé à un mur, tenant son fusil contre lui, le soldat tourna sa tête vers sa droite. Dissimulé dans des ruines avec deux autres, il espérait que leur ennemi ne les trouverait pas. La lumière du soleil pénétrait par l'encadrement de la fenêtre et celui de la porte. Elle était diffuse, l'astre caché aux yeux humains par une épaisse couche de nuages. Syph plissa les yeux, cherchant du regard un mouvement, quelque chose qui révèlerait une position ennemie. Seul le vent lui répondit. Une brise vint raffermir ses chairs, un frisson le parcourut le long de la colonne vertébrale. Sa respiration se fit moins bruyante et son visage ne laissa plus passer d'émotions. Ses deux subordonnés l'observaient, soucieux et interrogateurs. Il leur intima de s'abaisser, ce qu'ils firent immédiatement en rejoignant la poussière, les décombres et le sang séché. Deux personnes marchaient lentement dans la rue, le long du mur. Syph posa son index contre ses lèvres, pas un ne sembla respirer par la suite. Discrètement et minutieusement, le lieutenant Syph Maerk sortit une grenade de sa ceinture. Sans crier gare il projeta l'explosif par le trou ayant servi de fenêtre, puis revint à terre en apposant à sa tête ses mains.
Une explosion retentit, projetant des décombres dans la maison abandonnée et probablement partout dans la rue. Un nuage de poussière accueillit les trois soldats de la Compagnie, et comme un seul corps ils se relevèrent fusils en main.
-   Négatif, ya plus rien. On s'casse.
Ils allaient se mettre en marche. Pourtant ils ne firent pas un geste. Quelqu'un toussa. Bruyamment. Le viseur dans l'axe visuel, ils se reculèrent petit à petit tandis qu'un homme s'appuya sur le chambranle de la porte. L'inconnu fit un pas. Puis un autre. Et un troisième. Et tomba à terre, mutilé. Blessé. Mort. Trois balles dans le torse, et une dans le béton. Syph sortit une cigarette de la poche de sa veste et l'alluma. La braise éclaira la pénombre présente dans la ruine. Il s'assit, contemplant l'homme qu'ils venaient d'abattre. Triste fin pour lui. Sans regarder ses deux compagnons d'armes, l'œil rivé sur le cadavre, il déclara.
-   C'est quoi vos noms ?
-   Jonas, répondit l'homme. Il était plutôt dans le genre grand et fort. Le visage buriné.
La jeune fille, plus timorée, prit quelques secondes avant de parler.
-   Kattie.
Elle était jeune. Très jeune. Pas plus de vingt ans, a vue de nez. Ou d'œil. Syph se demanda comment pouvait-elle tenir son fusil. Elle était apeurée. Pareille à une biche. D'autres explosions retentirent, au loin.
Syph se leva et jeta un coup d'œil au dehors. Rien à signaler. Pas un rat. En outre, les deux morts ne perdaient plus de sang. Il aspira quelques bouffées de nicotine avant de jeter la cigarette vers une casserole fendue.
-   Bon y va. On a rendez-vous à 14h37 à l'église San Sebastiano. De l'autre côté de la rue quoi. Prêts ?
Les deux soldats de la Compagnie hochèrent vigoureusement du visage.
-   C'est parti !
Syph s'élança dans la rue, tenant son fusil en main et courut en direction de l'édifice resté partiellement intact, poursuivi par Jonas et Kattie. Des tirs fusèrent dans tous les sens. Une rafale de fusil toucha le lieutenant à l'épaule, celui-ci laissant s'échapper un juron en continuant sa route. Il se jeta la tête en avant à travers le portail d'entrée, chutant lourdement sur la froide pierre constituant le sol de l'église. Il entendit la fille crier. De douleur. Une rafale tirée beaucoup plus proche. Certainement l'Ariadnais. Pantelant, Syph leva le visage vers la voûte, constatant les dégâts causés par les bombardements. Par chance, les vitraux semblaient être insensibles au déluge d'acier et de feu. Toujours intacts ces vieux briscards. Il se releva à moitié, crachant sur le sol le sang mêlé à sa salive. Il fut rejoint par Jonas.
-   Lieutenant ! Kat' est touchée, ils l'ont pas abattue. On fait quoi ?
-   On attend les renforts.
-   Elle peut même pas marcher chef ! Faut qu'on aille l'aider !
Un regard noir le fit taire. Et pas seulement un ordre gestuel. Une mitrailleuse bourdonnait, emplissant l'église d'une lourde cacophonie de crachats de balles. Le bruit dura quelques secondes, avant que n'arrive par la voie magistrale Wasp. Elle tenait contre elle l'arme encore fumante, ses réacteurs dorsaux ralentissant la chute. Elle salua le lieutenant puis l'apostropha.
-   Alors, toujours dans la mouise hein ?
-   Ouais.
-   Vous avez récupéré les données ?
-   Ouais.
-   Ca roule alors.
-   Ouais.
Janet haussa les épaules et salua d'un hochement de casque Jonas. Elle consulta sa montre et éleva le visage vers le ciel. Un cargo descendait depuis les cieux, les armes délivrant la mort.
-   Vous étiez pas trois ?
-   Si m-
Syph interrompit le soldat.
-   Elle est blessée. Si on va la récupérer, on aura encore plus de pertes.
Janet ôta son casque et vissa une cigarette à ses fines lèvres. Elle resta pensive quelques secondes, observant deux cierges éteints depuis Dieu sait quand.
-   Jonas, c'est ça ? Va la récupérer, je te couvre.
Le concerné, effrayé à l'idée d'aller à l'encontre d'un ordre de son supérieur, n'osa bouger. Il tremblait, même.
-   Allez bouge toi continua Janet, réarmant la mitrailleuse.
Ils disparurent derrière un embranchement, l'un de ceux qui formaient le dédale de ce lieu. A son tour, Syph leva les yeux au ciel. Le gros coucou allait se poser. Pas très loin, sûrement sur le parvis de l'église. Des coups de feu firent taire d'autres coups de feu. Syph Maerk jeta le mégot fumant de ce qui fut une cigarette. Et l'écrasa du pied, abaissant le regard vers le sol.
Un soupir de lassitude vint casser l'instable et précoce silence.

Akeron

J'ai mis beaucoup plus de dialogues que je n'en ai l'habitude... Est-ce que ça colle ou pas vraiment ? Merci à vous ! :)

Sanjuro

Génial !
On sent bien que ces la guerre et qu'on rigole pas, les dialogues sont trés bien.

Akeron

-   Lieutenant Maerk vous n'avez pas le droit de fumer dans... hm...
Le jeune soldat avait vu arriver son supérieur depuis quelques secondes, et ses craintes n'en furent que renforcées. Un rictus inqualifiable déformait le visage de Syph, le regard dur et le front plissé. Les yeux écarquillés et le ventre noué, le garde ouvrit la porte bloquant le passage entre le lieutenant et son objectif. Une voix, féminine et impersonnelle, retentit. Elle confirmait l'autorisation au lieutenant de pouvoir pénétrer dans l'infirmerie. Syph maugréa quelque chose et entra.
Il discerna d'abord le médecin, le docteur J. Jameson, puis sur le billard la jeune Kattie. Endormie, son visage semblait serein. Un masque respiratoire lui conférait un apport en oxygène tandis que plusieurs machines s'attelaient au soin de la jambe de la jeune fille. L'homme ne détourna pas plus le regard quand il remarqua que la patiente n'était vêtue que d'une simple blouse blanche décrivant simplement quelques courbes. Il vit la chirurgienne approcher. Elle releva ses lunettes, dévoilant un peu plus ses yeux de jade. Une chevelure d'un roux sombre, coiffée en un chignon retenu par un stylo encadrait un visage blanc émaillé de quelques taches de rousseurs. Alors qu'elle prenait la parole, il prit véritablement conscience du stylo. Cela l'étonnait bien plus que ce que toute la nature avait pu offrir à la jeune femme. Il se tint coi, bouche bée.
-   Lieutenant Maerk ?
-   Euh... oui ?
Désorienté, il secoua son visage et écrasa sa cigarette contre son gant de cuir. Une fumée grisâtre envahit la pièce alors qu'une odeur pestilentielle se répandit autour d'eux. Syph haussa les épaules à la moue dégoûtée du médecin. D'un ton réprobateur elle reprit.
-   Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est interdit de fumer ici.
Un soupir.
-   Ouais je sais. C'est pour ça que je l'ai éteinte, ma cigarette.
Un grand sourire. Une machine, située quelque part, débuta le nettoyage de l'air.
-   Bon... Concernant la petite. Elle s'en sortira. Rien de très méchant. D'ici une semaine elle sera sur pied.
Jean Jameson abaissa le ton de sa voix jusqu'à ce qu'un chuchotement s'écoule de ses rouges lèvres.
-   Les scans indiquent qu'au vu de sa morphologie, elle n'a que dix sept ans !  Je croyais que le Commandant n'acceptait que des personnes majeures, douées au combat ou ayant des aptitudes possibles ?
-   Je croyais aussi. Bah, la gamine n'est pas arrivée jusqu'ici toute seule. Elle doit avoir ses raisons, et le Commandant aussi. Ceci dit... elle sait pas se battre. J'lui donne pas longtemps à survivre.
Syph tourna les talons et s'engagea vers la sortie. Il se statufia quand Jean l'interpella.
-   Je t'enverrais les rapports sur l'état de santé de la petite. Et... non rien.
Le lieutenant sortit, ne jetant pas un seul regard vers le garde effrayé. Il grimaça sous la douleur de la plaie de son épaule, songea à faire demi tour afin d'obtenir plus de médicaments et prit un escalier.

Syph descendit de plusieurs niveaux à l'intérieur du vaisseau, croisant et saluant des connaissances de temps à autre. Un courrier vint à sa rencontre, l'avertit que le Commandant désirait le voir au plus vite. Et repartit aussi rapidement qu'il était arrivé. Le lieutenant grimpa d'autres marches, voyageant dans la forêt d'acier. Si l'extérieur du croiseur laissait deviner un navire magnifique et neuf, l'intérieur ne laissait rien deviner du tout. Des câbles pendant ici et là, obligés de cheminer les trois quarts du vaisseau avec des lampes torches, des techniciens fourrés dans des recoins jugés inaccessibles. Ce croiseur n'était qu'une vieille épave volante. Et comme chaque vieux coucou, son capitaine aime en prendre soin.

Dossiers de la CIA
Numéro 535545-6665001



Syph entra sans frapper. Il salua d'un signe de tête rapide et s'assit sur l'une des chaises de la table de réunion. Il sortit d'une poche de quoi fumer. Assise en bout de table, je restais silencieuse en eteignant l'ordinateur. A quoi bon lui dire d'arrêter de fumer ce truc ? Un âne eut été moins borné. Quelques minutes s'écoulèrent, ponctuées par les exhalations du lieutenant. Nos regards se croisèrent. Je pris la parole la première, avant qu'il ne le fasse lui-même.
-   Vous avez récupéré les données ?
-   Yep. C'était pas bien difficile. Et faut croire que dans ce bled paumé, ces trouduc' savent même pas manier un fusil.
Il fit glisser un boîtier noir sur la table jusqu'à moi. Je pris un bloc de données en main, ajoutant à mes mots des gestes désignant les informations.
-   Pourtant le rapport indique qu'un de vos hommes est en ce moment même à l'infirmerie du croiseur. Peut-être que ces trouduc', comme vous dites, savent a posteriori manier une arme...
-   Ouais, et si on parlait de la gamine ? Le doc' vient de me dire qu'elle est même pas reconnue comme majeure d'après la plupart des nations ! Une gosse ! Vous m'avez refilé de la m erde, Commandant !
Syph s'était levé, sa chaise tombant au sol et vociférant, l'index pointé vers moi. Je tentai tant bien que mal de garder mon sang froid. Sans me lever ni quitter ses yeux, je continuai.
-   Asseyez-vous Maerk.
Il obtempéra. Je souris.
-   Cette m erde, comme vous dites, a un nom. Elle est humaine et n'est pas une de ces horreurs extra terrestres. En outre, elle fera partie de votre unité de combat pour les quatre semaines à venir. Alors gardez-là en vie. C'est tout ce que je vous demande. Compris ?
Il acquiesça.
-   Ah, et la prochaine fois... évitez d'oublier le Panzerfaust à l'armurerie.
Je lui adressai un clin d'œil moqueur, et je me surpris à découvrir à la commissure de ses lèvres l'ébauche d'un sourire.
-   Sur ce, la réunion va commencer.

Dans les dix minutes qui suivirent, les autres lieutenants vinrent nous rejoindre. Sous mes ordres j'avais douze lieutenants, et vingt cinq têtes sous leurs ordres. Plus les techniciens, docteurs, pilotes, réparateurs, diplomates... La réunion visait à établir les objectifs sur les prochains mois. Nous fîmes le compte de l'argent à notre disposition, les pertes au combat et le recrutement en cours. J'appréciai grandement ces réunions. Malgré nos airs de durs à cuire, nous constituions une bande d'amis. C'était incongru, une telle formation. Mais après quatre années de combat et de vie commune, les échanges étaient plus... affectifs. Amoureux, parfois. Ce qui m'avait d'abord étonné puis réjouie, c'était la formation de ce «  conseil de guerre ». Six des lieutenants avaient formé avec moi la Compagnie, et les six autres étaient venus par la suite. Aucun d'entre eux n'était mort. A ma droite se trouvait Grigory : nous avions sympathisés sur Aube malgré nos différences culturelles. A ma gauche, Ameline. Nous avions servis ensemble dans l'armée Mérovingienne. Après Grigory se tenait Luc. Panocéanien d'adoption, nous nous connaissions depuis des échanges diplomatiques entre nos nations. Se tenait lovée contre lui, Deirdre, une femme de Bakunin. A ma gauche après Ameline étaient les frères Zhang. Je leur avais sauvé la vie en allant contre les ordres de mon lieutenant. C'étaient des civils. Du moins je le croyais. C'étaient des soldats en permission.
Ces six là formaient le groupe ancien de lieutenants de la Compagnie. Mes amis les plus proches parmi les hautes têtes de notre groupe armé.
Les discussions, les rires, les moqueries durèrent plusieurs heures. A l'heure du repas nous restèrent ensemble : de toutes façons la cantine n'était pas utilisée. Chacun allait, prenait et repartait en discutant joyeusement. Seuls quelques irréductibles solitaires mangeaient seuls. Ou ceux ayant récemment perdu un être proche, un ami. L'un des trois groupes de musique jouait ce soir-là, ils donnaient un concert dans les soutes du vaisseau. Les frégates amarrées au croiseur, nous étions tous rassemblés, ou presque. Les médecins et les blessés ne pouvant se déplacer devaient rester alités. On entendait la musique de plus ou moins n'importe où : elle était forte, et nous n'avions alors pas de grosses cloisons protégeant assez du son. Je faisais souvent l'analogie entre le croiseur et un squelette de dinosaure titanesque. C'était assez juste, je crois.
La soirée se poursuivit ensuite à nouveau à l'intérieur de la salle de réunion. J'avais branché une télévision, fait amener des cigares et de quoi boire. Je ne cacherai pas que l'on but à flot ce soir là.

Je fus réveillée quelques heures plus tard par un des techniciens. N'ayant pas franchi la limite séparant le sommeil de l'éveil, je me levai maladroitement. La jeune femme m'aida et je fus debout en une bonne dizaine de secondes. J'avais l'impression d'avoir raté un saut en parachute, me retrouvant suspendue au dessus du vide. Avec, en plus, un mal de crâne énorme. Silencieusement et non sans peine j'arrivai au poste de pilotage. J'allumai un cigare, la lumière du briquet illuminant la pièce. Aucune lueur dans cet habitacle, si ce n'était celle des machines et les étoiles. Posant les mains sur le siège principal je questionnai les trois pilotes.
-   Qu'est-ce qu'il y a ?
-   Hm... Voyez par vous-même Commandant, en face.
Le pilote désigna de la main quelque chose en face de notre vaisseau. Je plissai les yeux sans aucun résultat.
-   Et ?
Une image s'afficha sur les vidéo-écrans. Une représentation 3D. Je mis un peu de temps à m'apercevoir qu'aucun vaisseau humain ne ressemblait à un truc pareil. Je lâchai un juron. Respirait lentement. M'assénai une claque. Soupirai. M'installai sur le siège de commandement. Ordonnai :
-   Un grand verre d'eau.
Moment de silence. Pas un bruit. Le regard inquiet des personnes présentes.
-   Préparez les munitions des canons de classe VII.

Akeron

10 Avril 2008 à 15:42:22 #11 Dernière édition: 20 Avril 2008 à 16:49:56 par Akeron
Le bar.
Première partie.



-   Trois Tueurs ma jolie !
-   Avec ou sans glace Monsieur ?
-   Avec, avec.
La serveuse repartit vers le comptoir, slalomant à travers la foule bigarrée du pub. Syph se retourna vers nous, un sourire concupiscent déchirant le coté droit de son visage. Il porta à ses lèvres un cigare et l'alluma, la braise rougeoyant et la fumée s'élevant. Nous étions dans l'Amiral Jaune, un bouge des Confins de l'humanité. Une faune étrange grouillait jour et nuit à l'intérieur de la bâtisse. Ceux de Bakunin auraient presque envié l'ambiance qui y régnait. Jo, le patron, avait des filles des quatre coins de la galaxie et des alcools tous plus forts les uns que les autres. Il entretenait dans les sous sols un marché noir, et au premier niveau des salles d'une tranquillité absolue. Le coin parfait pour nous, à vrai dire. Nous nous étions échappés in extremis de la bataille nous opposant au vaisseau morat. Avec de lourdes pertes. Sept chasseurs détruits, un porté disparu. Sur quinze, joli résultat non ? Sans compter la poupe en lambeaux, et le moteur droit défectueux. J'avais perdu ce jour là la confiance de mes hommes. Sûre et certaine. Comment faire po-
-   Hé ! m'interpella Deirdre. Tu m'écoutes des fois ?
-   Bien sûr que non pourquoi ?
-   Hmpf. Fais au moins semblant alors, Maria.
Mon briquet éclaira un instant mon visage, le temps d'allumer mon propre cigare. Un ange voulut passer. Visiblement nous n'étions pas digne de son attention, il s'enfuit bien rapidement. Deirdre reprit :
-   J'ai pu nous mettre en contact avec Goslo Feydrick.
J'arquai un sourcil. Elle pouffa, bientôt rejointe par Syph. Les yeux ronds d'étonnement, je les questionnai.
-   Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
La jeune femme évinça ma question d'un geste de la main.
-   C'est un des marchands les plus riches du coin. Il est prêt à reprendre notre vaisseau vingt sept millions ! Une aubaine. Ton avis ?
Je baissai les yeux vers mon Tueur.  Toujours pas arrivé. La serveuse mettait un temps fou. Un voile de larmes s'affaissa devant mes yeux. L'idée de devoir revendre le vaisseau m'était insupportable. J'en avais le ventre noué, le cœur serré. Pour dire. Néanmoins il le fallait. Nous avions les autorités Panocéaniennes et Yu-Jing à l'affût de la moindre information nous concernant. Un ravalement de façade s'avérait nécessaire. A défaut de changer nos visages, on pouvait bien modifier nos moyens de transport. Mon corps me surprit à répondre alors que tout mon être refusait de laisser notre vieille bicoque dans un cimetière.
-   Ca me va.
Deidre s'approcha de moi, s'installant sur le tabouret à ma droite. Elle apposa sa main sur mon épaule, chercha mon regard. Je la fuyais, comme je les fuyais tous depuis deux semaines. Cette fois-ci, je ne me retins pas. Elle accueillit mes larmes.


Deirdre fit les gros yeux à Syph, lui faisant signe des mains et de la bouche de s'écarter. Il se releva, se dirigeant vers le comptoir. Il nota les quelques personnes s'étant retournées vers le duo. Deirdre tenait le Commandant contre elle,  semblant l'apaiser de mots dont elle seule avait le secret. Le visage enfoui derrière la veste du lieutenant et dissimulé aux autres par un habile positionnement, Syph distinguait seulement les convulsions du Commandant. Plus il s'éloignait, plus les deux femmes se noyèrent peu à peu de nouveau dans la masse. Syph s'accouda au comptoir entre un manchot, sûrement un mercenaire ou un garde du corps et une jolie donzelle aux courbes plus que dessinée par ses courts vêtements. Il se tourna vers celle-ci, tout sourire.
-   Salut.
Elle lui répondit d'un hochement de tête. Ses lèvres d'azur le captivèrent, aussi ne décrocha-t-il pas son regard du visage de la jeune femme pendant quelques secondes. Syph reprit ses esprits, s'étonnant de la facilité avec laquelle ces fameuses drogues vous lobotomisait un type. Une serveuse vint s'enquérir de sa commande. Il lui demanda les trois Tueurs longuement attendus. Une voix le fit à nouveau plonger en un rêve éveillé.
-   Libre cinq minutes mon beau ?
-   Bien plus que cinq pour toi lui répondit-il.
La jeune femme, dont il apprendrait le prénom plus tard, l'attira vers l'une des alcôves plongées dans la pénombre. Cat, puisque c'était son nom ou tout du moins son surnom, n'hésita pas une seconde à lui conférer un baiser des plus torride une fois qu'ils furent cachés aux yeux de tous. Foutue drogue sexuelle songea Syph. Découvrant le corps de sa belle d'un soir de ses mains, il s'abandonna au plaisir pré-nuptial. Un frisson bien autre que ceux provoqués par le désir le parcourut. Un picotement le long de l'échine l'envahit alors qu'il devinait la présence d'une nano-arme à travers la mince couche de vêtements. Bizarre que j'l'ai pas vue avant. Elle était pas habillée de latex ? L'homme laissa tomber les vêtements au sol de la féline et laissa s'échapper un hoquet de surprise quand il sentit le contact froid d'une arme à feu contre son abdomen. Il perçut le sourire sur le visage de Cat, le souffle chaud dans son cou répandre des paroles bien moins suaves qu'il ne l'avait imaginé.
-   Ghàleb Ibn Marat, vous êtes en état d'arrestation.
'Pouvait pas le dire après ?
-   Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous.
'Peut même plus prendre un bon moment. Fais chier.
Syph asséna un coup de poing dans le bas ventre de la jeune femme, écartant le bras de celle-ci de son corps. Elle laissa s'évader un cri de douleur tandis qu'il la frappait à nouveau, la projetant dans les brumes d'un sommeil paisible. Il prit le pistolet d'une main et se reprit ses vêtements de l'autre. Il allongea ensuite la jeune femme sur l'un des bancs de pierre de l'alcôve et entreprit de se rhabiller.
Il sortit, resserrant sa ceinture, rangeant l'arme et l'air serein.
Des coups de feu retentirent.

Akeron

Le bar.
Fin de la première partie.


-   Le premier qui bouge, je l'descends. Capisce ?
Deirdre contemplait l'assemblée, debout sur une table. Reine pirate en majesté, son holster pendait négligemment à la ceinture, le veston portait d'anciennes traces de cambouis, sa chevelure d'or et de jais  encerclait ses prunelles vertes. De son arme elle braquait les volontaires à une mort rapide. Un type gisait à même le sol, un troisième œil au dessus des deux autres, déversant son sang. Syph ne distingua pas au premier coup d'œil le Commandant, puis la remarqua, assise, prostrée, le regard vide. Elle accrochait les dalles de grès des yeux, les verres cassés sur le sol, les liqueurs renversées, et n'aurait quitté ce spectacle de désolation pour rien au monde.

Syph, stupéfait de cette scène incongrue, tenta de se faufiler jusqu'à elles. Deirdre le pétrifia de l'émeraude de ses yeux. Elle l'invectiva :
-   Toi là bas, le grand ! Tu bouges pas j'ai dis !
Bras assuré, prête à tirer, elle défiait quiconque du regard de remettre en cause ses ordres. L'assemblée, statufiée, attendait avec appréhension la suite des évènements. Respiration suffocante, ventres noués, sueur abondante, certains redoutaient l'inéluctable boucherie qui s'en suivrait.  La jeune femme s'adressa au dirigeant de la baraque, le pointa du doigt. Elle portait des mitaines de cuir élimé, d'où un sillon vermeil gouttait.
-   Désolé pour le grabuge. Elle lui offrit un sourire affin de réaffirmer ses excuses. Vous nous trouvez une sortie ?
Le pauvre homme hocha gravement de la tête, laissa s'égarer son regard sur sa clientèle, le laissa s'épanouir de la vue des formes de la mercenaire ; puis, enfin, comme s'il venait de réaliser l'importance de la situation et les flux de peur vaquant d'homme en homme, il s'abaissa derrière le comptoir où il se tenait et sortit des clés. Tremblant, la peau devenue blanche comme neige, il lança les clés en direction de Deirdre.
-   T-t-t-t-t-tenez !
Elle attrapa au vol le trousseau, le mit dans sa poche. Elle descendit de son estrade improvisée, souleva par le bras son amie. Sans même se retourner, elle déclara :
-   Syph, on s'en va.
-   J'avais deviné grommela-t-il.
Le lieutenant le découvrit arme à la main, l'éclat assassin dans ses iris foudroyant tous et toutes. Il n'adressa même pas un coup d'œil vers les danseuses dénudées en partant, ce qui était contre ses habitudes jaugea-t-elle. Ils prirent un couloir, où défilaient des chambres occupées et inoccupées. Ils disparurent des centaines d'yeux les fixant.

Ces mêmes yeux, qui quelques secondes plus tard, se fixèrent sur le cadavre. Sous le long imperméable de cuir synthétique se devinait une carte d'identité panocéanienne d'un genre tout particulier. Policier, militaire, espion peut-être ?
La vérité n'appartint jamais aux rumeurs.

Akeron

Le bar.
Seconde partie.


Des lampadaires usés éclairaient des rues jonchées de débris, cadavres en quête de vie ou simples objets inanimés. Certaines ampoules étaient brisées, des monceaux de verre éparpillés au sol. D'autres s'éteignaient, se rallumaient selon leur bon vouloir. Qu'elles eurent leur propre volonté ne m'aurait pas étonné. Tout était possible, maintenant. Nous marchions, je crois. Je ne sais plus trop. Tout a basculé si vite. Le bar, la boisson, l'homme, la piqûre, les coups de feu, la fatigue, le noir. J'ai du m'endormir. Je me suis réveillée je ne sais quand après. Il faisait nuit. Deirdre était penchée au dessus de moi. Syph, flingue en main, observait les alentours de ses yeux bioniques. Il pestait, rageait. De la fumée sortait de sa bouche quand il parlait. Froid ? Aucune idée. Il faisait si chaud, à ce que j'aurais déclaré. Je me souviens de son regard quand il l'a posé sur moi. Et sur elle. Mauvais. Une grimace mauvaise vissée sur son visage. Aucun néo-tableau n'aurait pu représenter, aucun des néo-peintres de Bakunin n'aurait pu peindre une telle expression.
Ensuite, j'ai encore chuté.
Profondément.
Tout était noir.


-   Aide moi à la porter, gros tas.
-   Oui m'dame. Ton narquois, nota Deidre.
Syph referma précautionneusement la porte arrière du bar. Elle glissa un regard par dessus l'épaule du Commandant, avachie et ne tenant debout que par la seule force de ses bras. Si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais déjà tué. Il se porta à sa hauteur, avança ses mains vers les hanches de leur supérieur et souleva la poupée bravache, surnom qu'il se plaisait à lui donner. Endormie sur son épaule, ne la tenant que d'un bras il se mit en route sans un seul coup d'œil pour Deidre. Il fixait ardemment les alentours, cherchant un ennui à chaque coin de chaque rue. Ils marchèrent plusieurs minutes. Se cachèrent dans les coins d'ombres, et se faufilèrent dans les ruelles. Un temps indéterminé s'écoula lorsque la conversation reprit.
-   Tu as idée de comment ils nous ont retrouvé ? demanda-t-elle la première.
-   Non. Et toi ?
-   Non.
Le souffle de la jeune femme se faisait haletant. Elle s'arc-bouta sur un mur, reprenant contenance. Les deux mains sur le mur, la tête penchée vers le sol, les joues rosies elle cracha. S'essuya la bouche du revers d'une mitaine. Se releva, droite, et fixa le soldat. Elle n'appréciait guère ses yeux d'encre noire. Anormaux. Inhumains.
-   Tu veux ma photo, Syph ?
-   Ca dépend si tu es à poil dessus ou pas.
Elle lui jeta un regard noir. Il avait posé le Commandant sur le sol, la tête retenue par un coussin de tissu synthétique. Elle dormait. Deidre se pencha sur elle, palpa sa peau à la recherche de son pouls. Une minute s'écoula.
-   Elle vit. La drogue a fait son effet, elle hiberne.
-   Elle se réveillera quand ?
-   Pas maintenant.
Deidre arrangea ses cheveux, retombant sur son visage, en une queue de cheval. Elle y noua un élastique, et se retourna vers Syph. Elle aussi, elle aurai probablement caractérisé son regard de mauvais. Elle ne croisa que le noir de l'arme. Le flash de lumière. Une détonation. Une vive douleur.

Syph rangea son pistolet à la ceinture. Deidre, allongée sur le sol, du sang sur le béton fissuré par les années. Sa belle chevelure éparpillée, gouttant avidement le vermeille. Sans douceur il prit la main de l'autre femme, la souleva sans ménagement. Il glissa une main dans son dos afin de la tenir contre lui, et la piqua d'une seringue. Et la laissa choir.

Elle se réveilla quelques minutes plus tard. Debout, il fumait une cigarette. Son pied la meurtrissait, appuyé sur son abdomen. Elle fit quelques gestes patauds, une chorégraphie désarticulée du dormeur éveillé.
-   Tt-tt. On bouge pas, chef.
-   Gnn...
-   C'est ça, essaye de parler.
Il se pencha sur elle, accroupi au dessus de son ventre. Il s'assit même par la suite sur elle, Commandant endormi exhalant un râle. Il parlait avec les mains, projetant des cendres sur son visage.
-   Voyez où ça vous a mené d'essayer de m'avoir. Tant de combats, de confiance paisiblement installée peu à peu entre nous... et pourquoi ? Pour quelques centaines de milliers de dollars ? de crédits ? de yens ? Pitoyable tentative, Commandant. Je vous croyais futée. J'avais même presque foi et confiance en vous. Dommage non ?
Il sourit. La tint par son sweat-shirt, au niveau du col et amena le visage de la jeune femme près du sien.
-   A vrai dire je ne veux même pas savoir combien vous m'avez vendu. Sachez juste que, moi, j'en ai retiré une somme rondelette. Lorsque l'on joue avec moi, on perd. Ne l'oubliez pas !
Il éclata de rire, la relâchant. Elle se cogna la tête contre le sol, lâcha un cri de surprise mêlé de douleur. Syph se leva, et sortit du champ de vision de l'agressée.

Une ombre se porta à la rencontre de l'homme. Elle susurra quelque chose. Il hocha du visage. Il partit. Une ombre rejoignit les ombres, les débris, les cadavres en quête de vie.