Devant le silence de ses associés, le guide sent qu'il est temps de permettre à chacun de se reposer. Déjà, les ombres s'allongent. "Messieurs, il nous faut trouver un endroit où nous poser pour la nuit." entame le russe. Quelques pas plus tard, encouragé par l'acquiescement muet de ses camarades, il ajoute "Je prendrai le quart du matin.". Encore quelques pas. Piotr s'arrête, déboucle l'attache ventrale de son sac à dos, se défait de ce dernier et le pose à terre. "Quarante milliers de milliers de siècles vous contemplent." lance-t-il à ses comparses en scrutant l'environnement hostile, les montagnes, les flancs nus, les pierriers, les moraines et la rivière qui se faufile entre les géants gris verts et marrons.
Après une série d'assouplissements, le russe désigne un pan de montagne un peu moins déclive à quelques dizaines de mètres. L'ancien grade-frontière reprend son barda et se dirige vers l'endroit qu'il vient de choisir comme campement ; "Ici, nous ne serons pas plus exposé qu'ailleurs, mais au moins nous dormirons presque au milieu de notre tente. L'immensité du site sera notre camouflage. Enterrez vos déjections, dormez habillés, et serrez dans vos bras vos armes. En attendant la nuit, plaçons les détecteurs, montons le camp dans le plus grand silence possible, restaurons-nous, montons les tours de garde et tâchez de dormir !".